mercredi 24 février 2021

Les Mental Loss de Toronto


J'ai commencé à vraiment suivre le hockey en 1980. Il y avait 21 clubs.

On pouvait diviser la Ligue en deux. 10 clubs qui étaient l'élite, 10 autres les médiocres et un club qui pouvait surprendre d'excellence ou être péniblement du dernier clan. Comme 16 clubs faisaient les séries, "une course aux séries" existait très peu. Ce n'était pas vraiment évoqué. Ça existait en fin de saison pour quelques deux trois clubs. Mais souvent, les 5 derniers l'étaient vraiment depuis longtemps. On avait un portrait des clubs en séries presqu'en Février. 


Les Maple Leafs de Toronto étaient du groupe des médiocres. Jusqu'aux années 90, les années Sundin, Gilmour, Toronto n'était franchement pas un club à prendre au sérieux. Quand Harold Ballard était le grand patron du club, on pouvait toujours se défendre en disant qu'il n'avait plus toute sa tête en construisant son club. Mais par la suite, ça devenait moins excusable. 

Quand les années 2000 sont arrivées, on a cru, qu'après 20 ans d'insuccès, on verrait la concession connaître un semblant de revigoration. Il y a beaucoup BEAUCOUP de joueurs de hockey de la LNH issus de l'Ontario. Wayne Gretzky est issu de l'Ontario. Et il ne s'est pas fait mieux que Wayne au hockey dans le monde. Celui qui semble plus lui ressembler joue aussi pour les Oilers d'Edmonton et se nomme Connor McDavid. Il vient tout juste, la semaine dernière, de dépasser Sidney Crosby dans les joueurs ayant atteint 500 pts le plus rapidement dans la LNH. Il est aussi de l'Ontario, de Richmond Hill. Si il y a une très grande majorité de joueurs issus de l'Ontario, il est tout à fait normal qu'on y trouve aussi une des plus grandes communautés de fans de hockey. Des Leafs? pas tant. Justement en raison de leurs répétés insuccès. Mais de Hockey, assurément. Avec un grand H. De plus, les bureaux de la LNH sont à Toronto. C'est le coeur du Canada, et le centre nerveux du hockey. Il faut écouter les diffuseurs de sports manquer de retenue sur TSN et être assez peu objectifs quand vient le temps de parler des Leafs. Mais certains trouvent le moyen de rester drôles si ils concluent leurs vidéos par Shut the fuck off. Ce qui trahit aussi une frustration très très enracinée dans le coeur des fans des Leafs.


Frustration justifiée. Maintenant qu'ils ont beaucoup de talents dans leur rang, on aurait pu croire que les années 2000 finiraient par leur sourire. Pas tant. Mentalement, cette formation semble traumatisée par une culture de profonds perdants. Personnellement, je peine à y voir, encore de nos jours, des gagnants. 

Les 9 fois qui suivent sont un autre exemple de réelles déconfitures déshonorantes et risibles.   

St-Louis vs Leafs, 29 novembre 2000. De 0-5 à 6-5.


Trois minutes après le début de la troisième période, Tie Domi (père de Max), donne une avance de 5-0 aux Leafs contre les Blues. Le match a toutes les raisons d'être pensé "hors de portée". Mais on joue contre les reconnus mentalement faibles Maple Leafs. Chris Pronger, Alexander Khamanov, une première fois, Al MacInnis, Micheal Handzus et encore Alexander Khavanov, à 24 secondes de la fin, cette fois, feront 5-5. Dès le début de la surtemps, assez inexplicablement d'ailleurs, les Leafs, en possession de la rondelle, retraitent sans arrêt dans leur propre zone. Ce qui devait arriver arriva. Plein de non-confiance, ils perdent le contrôle de la rondelle, derrière leur propre filet, la rondelle est redirigée devant le filet et Johan Hecht met fin au match après seulement 18 secondes. Un traumatisme de plus dans leur baluchon de misère.     

Penguins, Leafs, 31 janvier, 2012. De 1-4 à 5-4. 


Tout juste avant ce catastrophique match, les Leafs avait connu un splendide mois de janvier. Après que Tyler Bozak et Clarke MacArthur eût marqué coup sur coup, pour mettre le pointage à 4-1, on se disait dans les chaumières de partisans que voilà probablement un club qui se portera bien en séries éliminatoires prochaines. Mais non seulement ne feront-ils pas les séries, mais Pittsburgh s'amusera à leurs dépends. Jake Gardiner, au milieu de la 3ème période, a l'air d'un spectaculaire pee-wee, Steve Sullivan fait 2-4 d'une bombe. Une atroce sortie de zone devient une menace offensive des Penguins, et Joe Vitale fait 3-4. Il reste moins de 5 minutes à jouer. Retirant leurs gardiens, Alors que Toronto à la chance de vraiment mettre fin au match, à 6,6 secondes de la fin, James Neal dirige la rondelle au but et Evgeny Malkin la fait dévier, presque malgré lui, par le buste, dans le filet pour faire 4-4. La supplémentaire ne fait pas de maitres. Et c'est encore Malkin qui, en tirs de barrage, donne la victoire à Pittsburgh.  


Penguins, Leafs, 27 Novembre 2013. De 1-4, 6-5.

Encore une fois, plus d'un an plus tard, les deux mêmes acteurs et le même film. À Pittsburgh cette fois. Au milieu de la seconde période, c'est 4-1 Toronto, encore. Malkin, en avantage numérique, fait 2-4. Puis, Kris Letang fait 3-4. Mais à 4 secondes de la fin de la deuxième période, Tyle Bozak fait 5-3 Leafs. En troisième, Toronto ne lancera pas une seule fois au filet des Penguins. Pittsburgh les avalera tout rond. Et dicteront complètement la suite. James Neal d'abord fait 4-5. Malkin fait 5-5 avec 12 minutes à jouer. Il n'a pas de gagnant après 3 périodes et pas plus après 5 minutes de surtemps. Toronto ne lancera pas une seule fois, en surtemps, non plus. En tirs de barrage, c'est encore Evgeny Malkin qui ferme les livres en faveur des Penguins. Et les Leafs sont encore les dindons de la farce.  

Bruins, Leafs, 13 mai, 2013. De 0-3 à 4-3. La cicatrice hantée. 


Séries éliminatoires, première ronde, 7ème match. Matt Borkowski donne les devants au Bruins 1-0. Cody Franson, des Leafs joue au héros et marque les deux premiers buts, à Boston. Sur le deuxième, il nargue la foule. Hmm...jamais une bonne idée. Phil Kessel enfonce le clou en marquant contre le club qui l'avait originalement repêché, c'est 3-1. Nazem Kadri foudroie encore les espoirs des Bruins et fait 4-1. Nate Horton limite les dégâts pour mettre la marque à 2-4.  Cody Franson paraît très mal sur le but, il nuit même à son gardien, le pauvre Reimer. Karma. Milan Lucic fera 3-4. Il regarde le cadran, il reste peu de temps, mais ce sont les Leafs, et tout est toujours possible contre eux. On peut même lire "fucking assholes" sur les lèvres de l'orang-outang. Ce qui reste gratuit de sa part. On retire le gardien en faveur d'un sixième attaquant assez vite. C'est le difforme Chara qu'on place devant le filet pour voiler Reimer. Bergeron dirige la rondelle au but, Chara nuit à Reimer 3-4. La foule est hystérique. Mais pas autant que quand ce même Bergeron, en période supplémentaire, accepte une passe patfaite de Gardiner, paniqué par le passage de qui?...Karma Franson, et les Leafs sont éliminés. Une humiliation lourde et une cicatrice encore fraiche dans les mémoires.   

Jets, Leafs, 19 octobre 2016. De 0-4 à 5-4.


Auston Matthews est maintenant un Maple Leafs. On rêve de gloire. C'est le tout premier choix du dernier repêchage et le joueur que tout le monde, unanimement, convoitait. Après lui, c'est Winnipeg qui choisissait et on a choisi Patrick Laine. Les deux premiers choix s'affronteront. Carrick, Kadri, Nylander et encore Kadri font 4-0 jusqu'en deuxième période. En fin de cette seconde période, Tyler Myers brise le blanchissage et c'est 1-4. Dans la première minute de la 3ème période, Patrick Laine porte la marque à 2-4. La foule embarque dans la tête des faibles Leafs (à ce niveau). Un peu plus loin, Mark Scheifele profite d'un ralentissement de la rondelle, amortie par une glissade de Mitch Marner et fait 3-4. Avec moins d'une minute à jouer, et profitant d'une pénalité à Morgan Reilly, avec un 6ème attaquant, une mise en jeu voit Carrick envoyer la rondelle directement à Ehlers à la ligne bleue, alors que tout le monde, gardien inclus, croit que celui-ci va tirer, il feint le lancer et renvoie la rondelle sur le flanc gauche où Laine catapulte sa bombe dans un filet presque désert. 4-4, le toit de l'aréna marmite si fort, on pense que la guerre éclate dans les chaumières généralement paisibles de Winnipeg.  Comme si c'était scénarisé par Hollywood, en surtemps, Auston Matthews s'échappe seul et Helleybuck le stoppe. Dustin Byfuglien s'empare du retour et renvoie aussitôt à Laine qui s'échappe à son tour à 2 vs 1. Il choisit de lancer et complète son tour du chapeau pour donner la victoire aux Jets et mettre un terme ``a une soirée de rêve pour les fans de Jets, et perpétuer la tradition du cauchemar certain torontois. 

Canadiens, Leafs, 5 octobre 2019. De 1-4 à 6-5.


Max Domi, dans le premier 2 minutes, met le pointage à 1-0 Montréal. Il connait l'aréna, son père y a joué longtemps. Auston Matthews profite d'un terrible revirement de Nate Thompson, 1-1. Avant la fin de la première, Suzuki se fait jouer comme un enfant d'école et Kerfoot en profite pour faire 2-1, Leafs. Dans le premier 2 minutes de la seconde période, Tyler Bozak fait 3-1. En 3ème, en supériorité numérique, Nylander fait 4-1. Mais 14:44 c'est beaucoup trop longs pour des mentalement fragiles. Dès la mise au jeu suivante, une passe de Jonathan Drouin est aidée du patin de Morgan Reilly et le pointage est très rapidement 2-4. Brendan Gallagher balaie ce qui traine devant le filet et c'est tout à coup 3-4. Kapanen commet l'un des gestes les plus stupides de sa carrière et tire son bâton pour empêcher Petry de s'échapper. Ça vaut un tir de pénalité à Petry qui ne manque pas son coup. 4-4. 6:58 à faire. Avec 4:40 à faire Phillipe Danault profite de la mêlée devant le pauvre Hutchinson et fait 5-4 Montréal. Mais en retirant le gardien, avec 1:15 à jouer, le fatigant Matthews fait 5-5. La supplémentaire ne fait pas de gagnant. Price bloque tout en tirs de barrage, Byron marque au bon moment pour faire douter du pauvre Hutchinson toute la saison dans la tête des partisans, gardien dont s'était le premier départ de la saison. 

Hurricanes, Leafs, 22 février 2020. Perdre contre son chauffeur de Zamboni. 


Bon, ici, il y a très certainement une part de mauvaise foi. Les Leafs ne perdent pas, ce soir là, complètement contre un homme de 42 ans qui, principalement, conduit la machine à resurfacer la glace, mais contre les Hurricanes de la Caroline. La LNH a cette règle que chaque ville de la LNH doit garder dans son aréna un gardien substitut pour un cas extrême où un des deux clubs qui s'affrontent blesserait ses 2 gardiens dans le feu de l'action. C'est le cas ce soir-là, à Toronto. Les deux gardiens des Hurricanes se blessent avant la fin de la deuxième période, c'est alors 3-1, la Caroline. On fait signer à Daviod Ayres, qui est un des chauffeurs de Zamboni de l'aréna de Toronto, un contrat (couillon) d'un seul match, il enfile rapidement un gilet portant son nom pour les Hurricanes et celui qui avait une moyenne d'efficacité de 0.777 et une fiche de 0-8 en 2014, accorde vite 2 buts sur les 3 premiers lancers. Mais la Caroline est fière. Et les Leafs, mentally weak. Il feront tout pour faire de cette journée unique le match dont les accessoires termineront au Temple de la Renommée et dans le livre des records de la LNH. Ils marquent trois fois, David Ayres bloquent les 8 lancers suivants et file avec la victoire enregistrée par le plus âgé gardien de l'histoire de la LNH, à son tout premier match. Le contrat écrivait en tout petit qu'il ne toucherait pas le 500$ qu'on lui devait parce que la Ligue est cochonne, mais les Hurricanes ont assez de classe pour se cotiser et lui payer en plus de lui remettre plein de cadeaux. Historique et humiliant pour les Leafs à la fois, qui le revoit tous les matchs locaux, depuis...

Bluejackets, Leafs, 6 août 2020. De 0-3, 4-3. Séries éliminatoires.


Lors du 5ème match des dernière séries, alors que celle-ci est égale 2-2 entre les 2 clubs, Cody Ceci profite d'une déviation chanceuse sur Seth Jones pour faire 1-0 en première période. Nylander fera 2-0 en avantage numérique, en deuxième, puis, le très bel espoir Nick Robertson marque son tout premier dans la LNH, c'est 3-0, Tor. Mais avant la fin de la deuxième, le trio de Pierre-Luc Dubois mange tout rond le trio des Leafs et Dubois fait 1-3. En troisième période, Seth Jones, qui connu des misères sur les 2 premiers buts de Leafs, met le pointage à 2-3 avec un tir formidable. Avec 9 minutes à jouer Pierre-Luc Dubois marque son second du match et fait 3-3. En surtemps, John Tavares voit son tir bloqué en zone adverse ce qui créé un innatendu revirement et un 2 contre 1 où Pierre-Luc Dubois complètera son tour du chapeau pour donner l'avance dans la série 3-2 aux Bluejackets. Les Leafs leur font l'exact coup semblable au match suivant, mais ne se présentent pas au 7ème où il sont platement blanchis et du même coup, éliminés en première ronde. Encore. 

Sens, Leafs, 15 février dernier. De 1-5 à 6-5.


Pas plus loin que la semaine dernière, L'équipe au tout premier rang de la Ligue (Toronto) et la toute dernière, la 31ème, (Ottawa) s'affrontaient. Travis Boyd fait 2-0, mais Drake Batherson réduit l'écart à 1 but avant la fin de la première. Tôt en 2ème, Engvall complète une belle éxécution de jeu, c'est 3-1. Un affreux revirement permet à Joe Thornton de mettre le pointage à 4-1. Moins d'une minute avant la fin de la deuxième période, Auston Matthews fait 5-1. Avec 10 secondes à jouer, en désavantage numérique, les Sénateurs profitent d'une passe parfaite de John Tavares à Austin Watson pour marquer et Nick Paul fait 2-5. Entre la 2 et la 3, Toronto fond mentalement. Ils ont gagné dans leurs têtes de noix. Mais dans celle des Sénateurs. il y a encore beaucoup de fierté. Quand Artem Zub quitte le banc des pénalités, il file seul pour marquer son tout premier but dans la LNH. Une beauté pour un défenseur défensif. C'est 3-5. Thomas Chabot est formidable sur le but de Connor Brown qui fera 4-5. Avec plus de 2 minutes à jouer, on retire la gardien en faveur d'un sixième attaquant et celui-ci sera Evgeny Dadonov, brillant, saisissant la rondelle au vol pour faire 5-5. En surtemps, après avoir sauvé un but en bloquant la rondelle avec son corps, Nick Paul ne panique pas et fait une brillante passe à Chabot qui n'a qu'à rediriger vers Dadonov qui file seul et donne la victoire au pire club de la Ligue contre le meilleur...

...qui menait 5-1...

J'ai beau essayer (avec une bonne part de mauvaise foi je le concède), ils ont beau être premier de la Ligue et montrer certains talents, je reste assez incapable de ne pas voir Charlie Brown tentant de botter le ballon tenu par Lucy. 

Je n'arrive jamais à croire ce club qui semble avoir toujours besoin de l'avantage numérique pour gagner. 

J'ai rebaptisé les Maple Leafs du titre de la chronique.

Faudra se durcir la pense si on veut l'ultime récompense.

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