mercredi 13 janvier 2016

Les Jaros de la Beauce

En 2015, on fêtait les 40 ans de la création de ce club de hockey mythique qui a peu duré mais qui a tant marqué les esprits qu'il a inspiré directement le film culte Slap Shot.

Les Jaros de la Beauce sont nés de l'esprit agité de l'homme d'affaires André Veilleux, co-actionnaire des Nordiques de Québec de l'AMH, qui a échoué à tenter de devenir l'acheteur principal du club.

Veilleux tente alors d'acheter les Remparts, puis les Canadiens Junior de Thertford Mines, alors le club-école des Canadiens de Montréal en 1974.

Veilleux veut SON club. Et il le fera naître dans sa région: La Beauce. Veilleux est propriétaire des camions Mack à Québec, il a l'argent pour faire naître les Jaros. Le nom du club est tiré de la mascotte des jeux du Québec tenus l'année précédente dans la région qui elle, tenait son surnom aux terme "les jarrets noirs" utilisé historiquement pour parler des Beaucerons quand ils traversent les cours d'eau à Lévis pour aller vendre leurs cossins à Québec.

La North American Hockey League a débuté ses opérations en 1973 suite au démantèlement de la Eastern Hockey League. Le 27 mai 1975, une concession est accordée à Veilleux et son équipe.

Comme les champions de la Coupe Stanley sont les Flyers de Philadelphie, les Broad Street Bullies, non seulement on en adopte les couleurs, mais on promet aussi le même style de jeu. Le même style fou que l'on retrouvera dans le film de George Roy Hill (scénarisé par la blonde d'un joueur de cette ligue: Dave Hanson des Jets de Johnstown). Marc Picard, qui a mené les Remparts à la Coupe du président la saison précédente sera le premier entraîneur, ce qui donne de la crédibilité au club. Les deux premiers matchs hors concours offrent des scènes de cirque. Une défaite de 10 à 1 suivie, d'une victoire de 9 à 1. Dans les deux cas, quand le match devient hors de portée pour l'un des deux clubs, les bagarres et les coups salauds se succèdent.

Lors du match d'ouverture au Maine contre les Nordiques de l'endroit, St-Georges gagne 8-4. Le match est excessivement rude. Même le gardiens des Nordiques du Maine est frappé par Gilles "Bad News" Bilodeau. Maurice Fillion, directeur-gérant des Nordiques de Québec, mais aussi directeur-gérant de leur club-école, les Nordiques du Maine est outré et amène avec lui, pour le match suivant, le match d'ouverture des Jaros au palais des sports en Beauce, Alan Globensky, qui ne sait pas du tout jouer au hockey mais qui sait se battre. Après seulement 8 secondes de jeu. les deux bancs sont vidés et les excités sont expulsés. Joe Hardy, capitaine des Jaros, marque 3 buts et ceux-ci gagnent à nouveau 9-2.
En novembre, contre les Comets de Mohawk Valley, une autre bagarre générale survient et les Jaros auront de multiples suspensions et amendes, dont leur entraîneur Picard, REsuspendu lorsqu'il intervient sur son banc, alors qu'il était suspendu.

Suite aux plaintes des autres clubs, la ligue change ses règlements. Quand il y aura bagarre et inconduite de partie, le joueur sera suspendu pour le match suivant. Si il y a récidive, on rajoute un autre match de suspension et ainsi de suite.  Peu d'effets. On va chercher d'autres joueurs pour remplacer les suspendus et parfois, ils sont meilleurs. Reynald Tremblay, frère de Jean-Claude et Wally Weir de Montréal, se joignent au club.

Le 22 novembre, nouvelle bagarre générale à Lewiston entre les Nordiques et les Jaros. On se bat même dans les estrades avec Gilles "Bad News" Bilodeau. Puis, 4 jours plus tard, même scénario à Syracuse, alors que les joueurs suspendus des Jaros (Weir, Folco, Bilodeau) se battent dans la foule. L'arbitre annule la troisième période. Weir, Folco et Bilodeau sont arrêtés par la police, Joe Hardy et James Troy, qui ont tenté de les défendre de la glace debout sur les baies vitrées aussi. Et au poste de police, le club en entier va les rejoindre et fait la fameuse scène où ils exposent leur cul à la police reproduite dans le film de George Roy Hill (qui en a changé un peu le sens dans le film, alors que les Chiefs font leur moon au club adverse).

Les accusations sont abandonnées, ont leur donne des amendes de 25$ et 800$ est soutiré à Veilleux. Picard en a plein son casque et quitte pour aller diriger les Dynamos de Shawinigan dans la LHJMQ. Joe Hardy devient alors joueur-entraineur (comme Reggie Dunlop dans Slap Shot). Alain Caron, Joe Hardy, Luc Simard et Richard Grenier sont les 4 moteurs offensifs du club. "Bad News" Bilodeau, les bras qui leur permet de développer leur talent. Les Jaros remportent 9 matchs de suite et prennent le premier rang en décembre 1975.

Le club est au sommet de la ligue, mais est mal géré et reste déficitaire. En Janvier, Veilleux annonce qu'il cherche des investisseurs.

Lors d'un match à Buffalo, l'instructeur des Norsemen, afin de protester contre la robustesse jugée impunie, des Jaros, retire son club en milieu de troisième période. Avec 24 matchs à jouer, Joe Hardy a déjà 125 points ! Veilleux veut faire la piasse et fait jouer son club au Colisée de Québec. 8300 personnes remplissent le Colisée. Mais l'arbitre Ron Fournier pénalise tout ce qui est répréhensible et les Jaros perdent le match 8-7 contre Érié.

Le match au Colisée, où le spectacle de bagarreurs des Jaros a été hué, marque un point tournant pour le club. De retour au Palais des Sports, celui-ci passe d'assistance de 1750 spectateurs à 1300 en moyenne. Victimes de leurs succès, trois de leurs joueurs sont repêchés par l'AMH. James Troy ira avec les Whalers de la Nouvelle-Angleterre, Peter Folco et Gilles Bilodeau s'entendent avec les Toros de Toronto. Malgré ces pertes, les Jaros gagnent 12 de leur 17 derniers matchs et le championnat du circuit avec une fiche de 54 victoires, 18 défaites et 2 parties nulles. 14 points devant les Jets de Johnstown, leurs plus proches rivaux, qui ont dans leur rang, les trois frères Carson, inspiration pour les frères Hanson dans le film de George Roy Hill (et rebaptisé ainsi en l'honneur du chum de la scénariste). Les 4 premiers marqueurs de la ligue seront Joe Hardy avec 208 pts (60-148), Richard Grenier avec 160 pts (77-83), Alain Caron avec 137 pts (78-59) et Luc Simard avec 136 pts (65-71).

Hardy devient le premier joueur de hockey professionnel à atteindre le plateau des 200 points, 6 ans, avant Wayne Gretzky ("Mais pas dans la même Ligue!" précisera Hardy toute sa vie, ne voualnt en rien se comparer à la merveille).

Les Jaros, à leur première, et seule saison complète, établissent 2 records d'équipe, 3 records individuels, 2 records de hockey toute ligue confondues (plus grand nombre de pts: Hardy, plus grand nombre de buts: Caron) et raflent trois trophées individuels (meilleur marqueur et joueur le plus utile (Hardy) gentilhomme (Simard).

En séries, les Jaros éliminent les Nordiques du Maine 3 matchs à 1 en première ronde, puis balaient Syracuse en quatre matchs et une bagarre générale au dernier match.

La finale opposera les Firebirds de Philadelphie et leur spectaculaire jeune gardien Rejean Lemelin. Philadelphie gagne le premier match 7-5, mais les Jaros gagnent le second 7-4. À Philadelphie, la foule de 6500 spectateurs est très hostile à ce club qui compte maintenant Folco et Bad News Bilodeau, de retour dans l'alignement puisque Toronto ne fait pas les séries dans l'AMH. On se partage les matchs à Philadelphie 1-6 et 7-6 en prolongation. Dans le match suivant, Bad News Bilodeau écope tout seul de 17 minutes de punitions permettant au Firebirds de marquer 2 fois, un retard qui ne sera jamais comblé. et de gagner le match 6-4. Les Jaros perdent 3-1 en deuxième période et utilise alors leur arme favorite: l'agressivité pour écoper de 150 minutes de pénalités en seule deuxième période. Ça leur sert, l'écart est réduit à un seul but. Mais Philadephie tiendra bon et marquera deux autres fois en troisième, remportant la Coupe Lockhart en 6 matchs.

Alain Caron, 37 ans, se tape des roteux et de la bière entre chaque période, il est victime d'un infarctus en finale et sera forcé à la retraite la saison suivante. Mike McKegney, frère de Tony, est si constamment saoûl, qu'il demande le plus sérieusement du monde, après le dernier match de la finale, quand aura lieu le prochain match.

Veilleux fait une conférence de presse annonçant sa fierté pour son club, qu'il ne déménagera finalement pas.

Mais quand la saison 1976 s'amorce, l'équipe a beaucoup changée. Wally Weir et Richard Grenier ont joint les Nordiques de Québec, McKegney les Nordiques du Maine, Caron, Simard et Dwayne Byers sont à la retraite, Mike Busniuk est avec le nouveau club école des Canadiens, les Voyageurs de ls Nouvelle-Écosse et le gardien Yves Archmabault est dans la Southern East League. Seulement 16 joueurs se présentent à Joe Hardy au camps d'entrainement et comme on aligne seulement 16 joueurs, ils font tous l'équipe.

Marc Boileau sera le nouvel entraîneur. Veilleux oblige une baisse de salaire pour ses joueurs afin de faire ses frais et plusieurs se sont alors désistés.

Les Jaros sont à leur tour victimes de leur propre école de robustesse et les équipes adverses se vengent sur eux. La Beauce perd 6 de ses 7 premiers matchs. Les foules sont de plus en plus petites. Les blessures sont nombreuses et les joueurs changent constamment dans l'alignement. Avant janvier, on a déjà utilisé 4 gardiens.

Veilleux est en sérieuse chicane avec la ligue pour des questions d'argent. Il refuse que son club se présente contre Utica en mesure de représailles. Il refuse de présenter son club aussi à Johnstown. On vote pour l'exclusion des Jaros, mais ceux-ci, avec leur robustesse digne d'une ligue de garage, attirent les foules, et seront votés pour qu'ils restent dans la ligue. Mais mis à l'amende.

Mais le club s'enlise encore dans les défaites et on peine à trouver de bons joueurs ailleurs. Veilleux a de gros problèmes de ressources financières et la foule hue maintenant Joe Hardy sur la glace.

Devant 900 spectateurs, les Jaros gagnent leur dernier match contre les Jets de Johnstown le 12 décembre 1976. Une semaine plus tard, ils perdent, sans le savoir, le dernier match de leur histoire 8-2 contre les Blazers de Syracuse devant seulement 500 spectateurs. Ce jour-là, le match est déplacé. sans grande publicité en après-midi, puis remis en soirée quand la vente des billets stagne.

Veilleux disparaît.

Le 22 décembre, personne n'a encore de nouvelles de Veilleux. Il sort finalement de son mutisme et annonce qu'il dissout son club.

Les Jaros s'éteignent après 30 matchs et une fiche de 6 victoires, 22 défaites et 2 matchs nuls.

Hardy s'en va à Binghampton.
René Villemure, Paul Daigle, Yves Preston, Pierre & Gilles Quintal, Craig Crawford et Ed Humphreys s'en vont aux Nordiques du Maine.
Jim Troy à Érié
Peter Folco à Philadelphie
Ron Pronchuk à Mohawk Valley

Nancy Dowd s'inspirera de cette année de fou et des anecdotes racontées par son frère Ned Dowd, ailier des Jets de Johnstown pour scénariser Slap Shot en 1977. Dave Hanson, goon des Jets, incarne Jack Hanson parmi les trois frères dans le film, Steve & Jeff Carlson, joueurs des Jets incarnent les deux autres frères.

Les adversaires des Chiefs dans le film ont les couleurs des Jaros.
Paul Newman dira qu'il s'agit du film qu'il aura le plus de fun à tourner de sa vie.

Pas autant que les joueurs ont eu à la jouer cette saison de parfaits excès...

Un livre (qui se lit tout seul) de Steve Vallières appelé Implacables: Les Jaros de la Beauce 1975-1976  raconte l'éphémère, mais marquante, existence de ce club mythique.








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