mercredi 7 septembre 2022

La Série du Siècle


Depuis les années 20, les premières années de compétition internationale au hockey, on se posait la question, est-ce que le hockey d'Amérique du Nord est meilleur que celui d'Europe ? De la toute aussi froide et nordique et beaucoup plus grande URSS, entre autre.

Les ambassades canadiennes et Soviétiques, en collaboration avec Alan Eagleson, jeune sensation qui introduisait le concept d'agent de joueurs dans la LNH, étant agent de Bobby Orr, entre autre (Mais prouvé escroc par la suite), organisaient ce tournoi de pas moins de 8 matchs, 4 en sols canadien, 4 autres en sol Soviétique à se dréouler en septembre.

L'équipe serait entrainée par le dernier champion de la Coupe Stanley, Harry Sinden des Bruins de Boston. Orr, blessé, sera absent du tournoi. Mais pas Phil Esposito, le non officiel (ils étaient 3 avec un "A") capitaine du club qui serait composé ainsi:


Paul Henderson et Ron Ellis des Leafs, Phil Esposito, Don Awrey, Wayne Cashman des Bruins. Frank & Peter Mahovlich, Ken Dryden, Guy Lapointe, Serge Savard, Yvan Cournoyer des Canadiens. Bobby Clarke des Flyers, Bill Goldsworthy et J.P.Parise des North Stars. Rod Gilbert, Vic Hadfield, Rod Seiling, Brad Park et Jean Ratelle des Rangers. Tony Esposito, Bill White, Stan Mikita, Dennis Hull, Pat Stapleton des Black Hawks. Gary Bergman, Red Berenson, Mickey Redmond des Red Wings. Gibert Perreault des Sabres. 

Orr était blessé, tel que mentionné, Mais Brian Glennie, des Leafs, Jocelyn Guèvremont et Dale Tallon des Canucks, Eddie Johnston des Bruins, Marcel Dionne des Red Wings et Rick Martin des Sabres avaient aussi un gilet mais n'auront été que réservistes, sans jouer un seul des 8 matchs. 

3 clients d'Alan Eagleson, de 18 ans, tout juste repêchés 5 semaines auparavant, avaient été invités au camp d'entrainement, deux choix des Canadiens de Montréal, le gardien Michel Larocque, le défenseur John Van Boxmeer et le tout premier choix au repêchage de 1972, Billy Harris, des Islanders. 

7 joueurs seulement joueraient les 8 matchs en entier: Esposito, Clarke, Cournoyer, Henderson, Ellis, Bergman & Park. 

Le premier match a lieu au Forum de Montreal. Les Russes refusant de divulguer leur alignement avant que le club local ne le fasse, ce qui était contraire aux pratiques habituelles pour un club visiteur. Après seulement 30 secondes, Esposito fait 1-0. Puis, Henderson fait 2-0. Mais les Russes, après une légère acclimatation, font rapidement 2-2 sur des buts de Zimin et Petrov, ce dernier, en désavantage numérique, ce qui fait rentrer au vestiaire, un club soviétique confiant. Le Canada joue au flair, L'URSS semble jouer beaucoup plus organisé. Le brillant Kharlamov marque 2 fois. Dans le forum, qui n'a pas d'air climatisé, il fait soudainement 46 degrés. En 3ème période, Don Awrey et la ligne de Jean Ratelle, coupables sur la plupart des buts sont cloués au banc et le Canada jouera à 3 lignes. Ça semble fonctionner au début quand Bobby Clarke ramène le score à 3-4. Cournoyer frappe le poteau et pendant que tout le monde pense encore à la chance ratée, Mikhailov redonne une avance de 2 buts à l'URSS. La chaleur, le talent étourdissant de l'URSS et l'usure de seulement 3 lignes vient à bout des Canadiens qui ont Ken Dryden devant le filet et ils perdent facilement 7-3. 

Le second match a lieu à Toronto, deux jours plus tard. Dryden, Awrey, Ratelle, Berenson, Gilbert, Hadfield, Redmond et Seiling sont retirés de l'alignement. Hadfield prend ça très durement étant un marqueur de 50 buts qui allait jouer dans sa ville natale. Savard, Stapleton, White, Mikita, Cashman, Parisé et Tony Esposito devant le filet seraient les ajouts. On jouera plus durement. La première période reste 0-0. Bergman, Mahovlich et Parisé sont intenses et agressifs. Ça semble troubler l'URSS. Phil Esposito marque encore le premier but, en 2ème. Yvan Cournoyer fait 2-0 en 3ème. Yakushev réduit l'écart à 1 but. Peter Mahovlich marque un important but en désavantage numérique et son frère Frank porte le coup fatal, le Canada gagne le second match, 4-1. L'URSS blâmera les arbitres. Un responsable soviétique de la fédération de hockey entre dans la chambre des arbitres, après le match et renverse de rage des chaises en hurlant après eux. Les arbitres prévus pour le 4ème match allaient être les mêmes, ils n'y seront pas. 

Le troisième match a lieu à Winnipeg, deux jours plus tard. Le Canada ne remplace que Goldsworthy par Ratelle. Parisé fait 1-0 après moins de 2 minutes. Mais Petrov réplique en désavantage numérique moins d'un minute plus tard. Esposito (Tony) est de retour devant le filet. Ratelle clôt la première période en donnant l'avance de 2-1, au Canada. Cashman fait un bel effort individuel et permet à Esposito de faire 3-1, tôt en 2ème période. Mais encore une fois, en désavantage numérique, c'est Kharlamov qui marque pour l'URSS et réduit l'écart à 1 but. Henderson redonne une avance de 2 buts au Canada avant la fin de la 2ème période. Toutefois, en 3ème, le trio jeunesse composé de Yuri Lebedev, Vyacheslav Anisin et Alexander Bodunov marquera 2 fois pour niveler l'unique match nul de la série. On avait alors pas de période supplémentaire de prévu en de telles circonstances. Le grand Vladislav Tretiak & le tout aussi excellent Tony Esposito, devant le filet, sont les stars du match. 

Le quatrième match a lieu à Vancouver, 2 autres jour plus tard. Dryden reviendra devant les buts. Goldsworthy revient aussi dans l'alignement en remplacement de Wayne Cashman, mais voulant jouer son style robuste, s'y prend mal et hérite de 2 pénalités où Boris Mikhailov marque 2 fois. En 2ème période, Perreault réduit l'écart à un seul but, mais Blinov fait tout de suite 3-1. Un but de Rod Gilbert est refusé et Vikulov place le pointage à 4-1 URSS, après 2 périodes. Goldsworthy se rachète un peu en portant la marque à 2-4, tôt en 3ème, mais Shadrin met le match hors de portée en faisant 5-2. Dennis Hull marque trop peu, trop tard, dans la dernière minute. L'URSS gagne 5-3, le Canada est hué par sa foule. Phil Esposito fait un émotif plaidoyer public afin de continuer à y croire. (bouleversant à quel point il ressemble à mon père à cet âge!).

Le 5ème match aura lieu au Luzhniki Ice Palace 14 jours plus tard. 3000 fans canadiens s'y rendront aussi. Hadfield, Guèvremont et Rick Martin n'accompagneront pas le club. Ne s'y sentant pas le bienvenue. Les patinoires y sont plus grandes, mais ce qui étonne davantage sont les filets, là où au Canada, on y a des baies vitrées. De plus, quand une rondelle touche le filet, elle est toujours considérée en jeu. Un ajustement. Tout le parti communiste, le président, les leaders gouvernementaux, militaires, sont tous dans la foule, 150 partisans canadiens ne trouvent pas place. Jean Ratelle se fait donner du pain en traditionnelle offrande avant le match. Phil Esposito lors la présentation des joueurs, 
glisse sur une pétale, tombe sur les fesses, se relève en faisant une semi courbette. Amusante récupération, mais cette chute sera à l'image du match à suivre. Tony Esposito est de retour devant le filet. Parisé marque l'unique but de la première. Clarke et Henderson font 3-0 Canada avant la fin de la deuxième. Blinov marque une première fois en troisième mais Henderson fait 4-1. La suite est à l'image du reste de la série. Mais cette fois, en faveur des Soviétiques. Anisin fait 2-4. on fait vite 3-4 et 4-4 et Vikulov marque le but gagnant avec moins de 5 minutes à jouer. Malgré la défaite, les fans du Canada chantent O Canada, du jamais vu dans la population Soviétique qui ne sait trop comment réagir. Le Canada est 1-3-1 et doit maintenant gagner le restant des matchs si il veut sortir vainqueur de la série du siècle, comme on la nomme, en français. Gilbert Perreault quitte étrangement le club afin de "se mettre en forme" (ce qu'il ne faisait pas?) en fonction de la saison de la LNH débutant en octobre, avec les Sabres.

Le 6ème match a lieu 2 jours plus tard. Ken Dryden est le gardien partant pour le Canada. Après une première période sans but, Lypakin fait 1-0 URSS tôt, dans le premier 2 minutes de la 2ème période. Mais le Canada reste allumé et marque 3 fois en une minute 30. Hull égalise le pointage, Cournoyer donne les devants, et Henderson fait 3-1, 15 secondes plus tard. Yakushev réduit l'écart à 1 but avant la fin de la seconde période. La défensive est l'héroïne du match. Dryden. Park, Savard, White, Stapleton et Frank Mahovlich, particulièrement. Savard joue entre autre avec une cheville fraichement fracturée. Pour la première fois, on ne joue pas à tirer la rondelle dans le fond et foncer mais on essaie de faire des jeux dès le croisement de la ligne bleue adverse. Cette fois, c'est le Canada qui se plaindra de l'arbitrage d'un Allemand, qui inflige 31 minutes au Canada contre 4 à L'URSS. Dans le match, l'excellent centre Valery Kharlamov est ciblé. Principalement par Bobby Clarke qui est très agressif vis-à-vis lui. Park le gèle sur la bande plusieurs fois. Kharlamov, excédé fait culbuter Clarke. Celui-ci, par vengeance, lui passe la main au visage, les deux s'échangent des coups de poings. Bergman s'en mêle et le bouscule tout en l'invectivant jusqu'au banc. Peter Mahovlich lui passe le coude au visage et Kharlamov le fait tomber. Bobby Clarke lui cassera volontaire la cheville d'un violent coup de bâton. La série vient de tourner. Il écope de 12 minutes de punition sur le "jeu". Kharlamov joue toute la 3ème période quand même. John Ferguson, assistant entraineur avait rappelé à Clarke que la cheville de Kharlamov était fragilisée d'emblée. C'était tombé dans l'oreille de Bobby. Les batailles ne sont pas tolérées dans le hockey Soviétique d'alors. Ils s'y prennent donc autrement pour irriter l'adversaire. Et leurs coups de bâtons sont subtils(pour contrer les regards des arbitres)et fréquents. 

Kharlamov ne jouera pas le 7ème match, joué 2 jours plus tard, trop blessé par sa cheville. Dryden est remplacé par Tony Esposito et Berenson, qui avait joué un puissant 6ème match est remplacé par Goldsworthy. Phil Esposito marque deux fois en première mais Yakushev et Petrov ferment la première période 2-2. On me marquera pas en deuxième. Gilbert fait 3-2 Canada en 3ème. Mais Yakushev réégalise. Avec moins de 4 minutes à jouer,  Avec moins de 3 minutes à jouer une mêlée éclate et dans le bousculage, Bergman se fait frapper du patin de Mikhailov deux fois. Bergman lui réplique d'un coup de poing. Paul Henderson marque son second but gagnant de suite. L'entraineur de L'URSS blâmera lâchement le défenseur battu sur le jeu pour la défaite. La série est soudainement 3-3-1.

Le 8ême est dernier match est extraordinairement tendu. Les Soviétiques veulent réintégrer les arbitres allemands tant en leur faveur du premier match. Eagleson menace de ne pas faire jouer le match si c'est le cas. On arrange un compromis: un allemand du premier match et un autre. La série est égale mais les Soviétiques ont 2 buts de marqués de plus que le Canada si la série reste égale. Au Canada, où le match est diffusé à 13h, heure d'Amérique, l'après-midi scolaire est jour de congé. Mon père, 25 ans, est remplaçant enseignant dans le Cegep de Victoriaville et entraineur des Vulkins, club de hockey du CEGEP, qui contient entre autre, le frère de Gilbert Perrault. Il est aussi impliqué (joueur?) avec l'équipe de football du même nom. Il a peinturé sa Volkswagen aux couleurs des clubs, mauve et orange...Il est au CEGEP ce jour-là, muni d'une télé diffusant en noir et blanc avec moi, 6 mois, dans le banc de bébé, tout près. Jusqu'en 2010, ce sera l'évènement sportif le plus écouté de l'histoire de notre pays. 

Très tôt, le Canada hérite de plusieurs pénalités questionnables. À 3 vs 5, le Canada se fait marquer grâce à Yakushev. Parisé écope d'une pénalité, ce à quoi il n'est pas d'accord. Il frappe son bâton sur la glace pour s'en plaindre. L'arbitre lui donne aussitôt une autre pénalité pour mauvaise conduite. Parisé lui montrera ce qu'est de la vraie mauvaise conduite en Amérique, Il s'enrage davantage, prend un élan et fonce sur l'arbitre, feignant de la frapper de son bâton. Il est expulsé du match. Sinden, du banc, tire une chaise sur la patinoire. Le reste du match sera étrangement un sans faute pour les arbitres. Esposito fait 1-1. Lutchenko donne les devants 2-1 à l'URSS. Trois Rangers, Park, Ratelle et Gilbert s'échangent bien la rondelle pour que Park fasse 2-2 après une période. 21 secondes dans le deuxième période, Shadrin fait 3-2 URSS. White égalise, mais dans le dernier 10 minutes, Yakushev et Vassiliev font 5-3 URSS. Blinov pense avoir marqué mais Esposito bloque la rondelle sur la ligne rouge derrière Dryden. La tension est extrême. On remarque que les Soviétiques protègent leur avance de 2 buts, en troisième. Kharlamov joue, mais est très affaibli par sa cheville. Esposito fait 4-5 et avec moins de 10 minutes à jouer, Cournoyer fait 5-5. Des soldats supplémentaires sont amenés près des bandes (pourquoi?). Ça rend tout le monde nerveux. Les batailles sont interdites mais Rod Gilbert et Yevgeni Mishakov en incarnent toute la chose, sur glace.  

Dans la dernière minute de jeu, Esposito, Cournoyer et Peter Mahovlich sont sur la patinoire Mahovlich est rentré au banc, au profit de Paul Henderson qui a foncé au but adverse. Esposito devait changer pour Bobby Clarke, mais du point de vue d'Esposito, il n'y avait aucune chance qu'il quitte la glace à ce moment. On ne pensait que but. Cournoyer a saisi une rondelle le long de la rampe et a tenté une passe pour Henderson qui a fendu l'air, mais un flagrant manque de communication entre deux joueurs soviétiques ont fait que la rondelle est aussitôt revenue vers Esposito qui l'a redirigée au but de Tretiak. Henderson, seul devant le filet a été stoppé par Tretiak une première fois avant qu'il ne marque le but le plus important du hockey Canadien, à 34 secondes de la fin, semant l'hystérie au pays. Et gravant son nom et des images dans nos têtes et nos coeurs pour toujours. 

Frank Lennon prend une photo historique du but. Henderson, puisque Maple Leafs, ne signera jamais son nom sur une Coupe Stanley mais on se souviendra de lui à jamais. 

Effacé par le troisième but gagnant de suite d'Henderson là où il fallait gagner trois fois, Phil Esposito obtient tout de même 2 buts et 2 mentions d'aide dans cette victoire. Ironiquement, depuis, pour insulter quelqu'un en Post-Soviétie, un mot est utilisé: Traiter quelqu'un d' Espozito

Avant cette émotive série, qui était aussi politique que sportive, les joueurs d'Amérique, (alors à 95% canadiens) passaient l'après saison à boire et à fêter, à prendre du poids. Revenaient au camps d'entrainement POUR se remettre en forme, prenaient trois mois pour le faire dans la LNH, et de janvier à mai se déroulait le vrai hockey. Mais après cette série. On s'entrainait 12 mois par année. Et hors glace aussi. 

CCCP était inscrit sur les chandails soviétique. 

Ça C'est de la Condition Physique disaient les plus attentifs...

Ça se passait en septembre, il y a 50 ans. 

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