mercredi 14 août 2024

Décapitainiser

Ça n'a jamais marché.

Jamais. 

Qu'est-ce que c'est ?

C'est enlever le "C" a un joueur du club, qui restera joueur du club, pour ensuite en être le prétendu leader. Et qu'est-ce que je considérerais "marcher" ? Ce serait gagner avec lui le prix ultime au hockey de la LNH: la Coupe Stanley. Que j'écrirai toujours avec deux majuscules.

Une brève histoire des derniers capitaines, "décapitainisés".

Joe Sakic est une "fausse" exception.

Joe Sakic, alors des Nordiques, est nommé jeune co-capitaine du club tandis que Steven Finn est l'autre capitaine (un sur la route, l'autre à domicile). en 1990-1991. On a deux co-capitaines. Le Nordiques sont le risée de la LNH, et constamment derniers. Ils ont tout simplement donné le coeur de leur club, Michel Goulet, Peter Stastny, Dale Hunter, n'obtenant presque rien, chaque fois, joueurs qui seront toujours bons, ailleurs. Pas complètement vrai. Même faux. Joe Sakic est lui-même issu d'un choix au repêchage des Capitals dans l'échange impliquant Dale Hunter. Ils n'ont donc pas complètement rien. Mais fin des années 80 et début des années 90, outre Sakic qui fait 100 pts, ils sont terriblement mauvais. En 1991-1992, Mike Hough est nommé capitaine de la formation. Et Joe devient assistant. Cette année-là, Québec ne termine pas 22e sur 22, mais 21e sur 22. Seul San Jose fait pire qu'eux. Mais ils ont l'excuse d'en être à leur toute première saison dans la LNH. Sakic redevient capitaine, et oui, il gagnera la Coupe Stanley trois fois comme capitaine, allant même gagner une fois le Conn Smythe, mais pas des Nordiques, des Nordiques-devenus-l'Avalanche-du-Colorado.  "Fausse" exception parce que les Nordiques n'auraient jamais obtenu Patrick Roy si ils étaient restés Québec, ennemis jurés des Canadiens. Montréal n'aurait jamais voulu nourrir le rival. À Denver, sous un autre nom, l'ancien rival restait loin. 

Patrick Elias des Devils de New Jersey était un excellent joueur de la LNH. Un ailier aussi efficace offensivement que défensivement. Gentilhomme et joueur pendant toute la durée de sa carrière avec un seul et même club, phénomène rare. Il a gagné deux fois la Coupe Stanley dans le gilet des Devils et avec le directeur gérant Lou Lamoriello. Le 5 octobre 2006, il est nommé 7e capitaine de l'histoire de la concession du New Jersey. Lou Lamoriello et Larry Robinson sont les deux entraineurs de cette saison. Toutefois quand Lamoriello choisit d'engager Brent Sutter comme nouvel entraineur, début 2007, Sutter manifeste l'envie de choisir le capitaine de son vestiaire lui-même et préfère le défenseur Andy Greene. Elias redevient assistant. Il ne sera pas moins bon pour autant. NJ atteint la finale en 2012, mais en séries, il ne fait que 8 pts en 24 matchs. N'est pas complètement un facteur de succès de la présence des Devils en finale. Ce qui confirme peut-être qu'il n'était pas le leader originalement pensé en 2006, mais qui peut aussi vouloir dire qu'il ne trouvait plus sa place dans le vestiaire. Ne saisissait peut-être plus le rôle qu'il avait dans le club.

Mike Keenan est devenu entraineur de Blues de St-Louis en 1994. Brett Hull y était capitaine depuis 1992. Le restera jusqu'en 1996. Mais comme Keenan et Hull se détestent ouvertement et se le disent par l'intermédiaire des journaux, Keenan décide que c'est impropre au comportement d'un prétendu leader de vestiaire. L'atroce Shayne Corson sera nommé capitaine à sa place. Jusqu'à ce que Wayne Gretzky n'arrive à St-Louis, en location. Le gestion des Blues alors...c'était fâcheux. Hull gagnera sa Coupe avec Dallas. Trois ans plus tard.

Par respect pour le grand Mark Messier, Trevor Linden, capitaine des Canucks de 1991 à 1997, a laissé le "C" à Messier qui a été de passage de 1998 à 2000. Vancouver n'a pas atteint de grands honneurs durant cette période.

Les Stars de Dallas étaient misérables et n'avaient gagné que 2 rondes en séries en 7 ans. Durant cette période, Mike Modano a vu le "A" de son gilet devenir le "C". Mais sa relation avec l'entraineur Mike Babcock n'était pas très bonne. Et en 2003-2004, il a connu une triste saison de 44 pts en 76 matchs, bien en dessous de ce qu'il avait déjà offert. Le lock out a suivi, ce qui donné amplement le temps de réfléchir à l'organisation qui a alors choisi le plus jeune Brenden Morrow pour porter le "C". Vestiaire pourri a suivi. Succès nulles.

Les Canucks, parce que leur as gardien Roberto Luongo commençait à donner des indices de vouloir quitter l'organisation, a pris l'étrange décision de le nommer comme capitaine, afin de l'amadouer davantage. Phénomène extraordinairement rare dans la LNH. Burlesque. Et bizarrement avisé. Luongo en était si inconfortable lui-même qu'il a proposé ne plus être capitaine. Ce n'est pas une vraie décapitainisation. C'est une démission.

Dustin Brown a non seulement gagné deux fois la Coupe comme capitaine des Kings, mais lors de la première conquête,  il était celui qui aurait eu son nom sur le trophée Conn Smythe n'eût été de la brillante tenue de son gardien Jonathan Quick. Mais il méritait l'honneur tout autant. Faisant la différence avec un impact important à chaque match. Étrangement, après deux saisons de moins de 30 pts, qui n'en faisaient pas moins un leader dans le vestiaire, en tout cas n'aurait pas dû, un autre Sutter, Darryl celui-là, a choisi de lui enlever le "C" pour le donner à son coéquipier Anze Kopitar à partir de la saison 2016-2017. Les Kings n'ont pas fait les séries cette saison-là et n'ont pas connu la finale par la suite. Dustin Brown a respecté la décision tout en trouvant que la manière de gérer tout ça avait été terrible de la part de l'organisation. Vestiaire de marde.

Les Sharks de San Jose sont actuellement les Nordiques de Québec de la fin des années 80/début des années 90. Les Islanders de Charles Wang des années 90-2000. Les Sabres des années 2010. En d'autres termes, l'organisation risible de la LNH depuis quelques années. En 2016, ils atteignaient la finale, mais depuis, c'est la dégringolade. Une instabilité capitainisée a régnée sur quelques années. Patrick Marleau était capitaine, mais leader discret et trop gentilhomme pour s'imposer verbalement dans le vestiaire. Comme Joe Sakic, on peut être bon leader exactement comme ça. Mais SJ ne connaissait pas de succès. Marleau a été décapitainisé par l'entraineur Todd McLellan qui lui a préféré le nouvel arrivant Rob Blake. Marleau était capitaine depuis 2004. En 2010, Blake se retire mais on ne redonne pas à Marleau, on donne le "C" à Joe Thornton. De 2010 à 2014. Mais Thornton ne gagne jamais rien en équipe. La saison 2014-2015 est un gong show alors qu'on a aucun capitaine mais 4 assistants, Thornton, Marleau, Danny Boyle et Joe Pavelski. On en fait une sorte de concours. C'est ce dernier, Pavelski, qui sera capitaine la saison suivante, avec Thornton et Marleau comme coéquipier. Weird. SJ atteint tout de suite la finale. Dans une cause perdante.  Mais sera de plus en plus misérable d'années en années. SJ était 32e sur 32 la dernière saison. Loin derrière le train du succès. 

Et puisque qu'insuccès maintes fois répétés depuis trop longtemps à Toronto, en séries, les Maple Leafs devraient annoncer aujourd'hui, la toujours bizarre décision de soutirer le capitanat à John Tavares et de le donner à Austin Matthews. Vers 11h, conférence de presse promise.

Tavares serait à l'aise avec la décision, en joueur mature, mais est-ce qu'Austin, à la personnalité plutôt réservée, sera le bon choix ?  Est-ce dans le but de lui donner envie de rester un Leafs plus longtemps ? Est-ce lui mettre encore plus de pression et lui faire porter le chapeau du blâme si en séries on ne fait pas mieux ? Le directeur gérant Kyle Dubas et l'entraineur Sheldon Keefe lui avait donné le "C" en 2019. La même année Craig Berube gagnait la Coupe comme entraineur des Blues. On a maintenant cet entraineur derrière le banc et le directeur gérant Brad Treliving. Ils veulent leur choix.   

À 11h ce matin, les Leafs tiennent une conférence de presse sur le sujet. Qui aurait été éventé lundi. 

Austin deviendrait le nouveau capitaine des Leafs en remplacement de Tavares.

Quel genre de vestiaire auront donc les Leafs dans 50 jours ?

Encore un vestiaire de perdants ? Un vestiaire au capitaine verbalement absent ?

Un vestiaire gagnant ? Drôle de mouvement de pions sur l'échiquier. Difficile de ne pas y lire une démotion.

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